Rencontre  dans le grand paysage

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Dominique Rousseau et moi avons déjà fait une dizaine de livres d’artiste ensemble, ainsi qu’une bonne douzaine de panneau, et un énorme portfolio est en gestation …
Je me rappelle la première fois, il y a cinq ans de cela, que
Dominique est venu me rendre visite sur la côte bretonne, avec, sous le bras, un gros étui bourré de ce qu’il appelait ses
« papiers ». Il voulait savoir si ces « choses » pourraient m’intéresser, si je n’aurais pas envie d’y inclure des éléments d’écriture.
J’étais non seulement intéressé, j’étais enthousiasmé.
Devant ces papiers faits d’une riche pâte qu’il fabrique lui-même à partir, entre autres, de fibres de chanvre ou de bananier, dans laquelle il fait des empreintes avec, par exemple, des écorces, du corail, des coquillages, des carapaces, et qu’il colore ensuite de diverses encres, je voyais tout de suite les pages d’un grand atlas géopoétique, alliant histoire naturelle et géographie de l’esprit. Il ne pouvait être question d’une vague rencontre entre « art » et « poésie », comme dans tant de « livres d’artiste », il s’agissait fondamentalement dans mon esprit des archives de la Terre.

Dans mon atelier atlantique, je repris mes anciennes lectures d’Aristote, de Buffon, de Cuvier, je me remémorai des paysages vus et vécus, afin de composer des textes qu’ensuite je calligraphiais dans les espaces blancs des « papiers » rousseauistes.
Voilà les bases sur lesquelles nous avons travaillé par la suite, dans une connivence grandissante – le genre de travail accompli par certains moines dans les scriptoria des monastères, à une époque où, par ailleurs, tout était désastre et désolation, catastrophe et confusion.
C’est ainsi que sont nés Le Livre du Gondwana, Le Manuscrit de Mytilène, Amazonas, Selva, le Cahier des falaises…
Autant de chapitres enluminés, non pas d’une bible de l’imaginaire, mais, disons, d’un ABC du monde physique dont, tout en parlant beaucoup de « culture » et de « nature », de « sacré » et de « spiritualité », nous ne captons que peu, et rarement, les puissances.

Kenneth WHITE
Écrivain
Président-fondateur de l’Institut international de géopoétique​